-
About
-
Latest on Partnerships
- Programs
- Knowledge Library
- Blog
- Contact Us
Les mouvements de réfugiés et de migrants ont toujours existé. Avec le conflit qui s’éternise en Syrie, ils posent d’immenses difficultés aux pays de la Méditerranée. L’instabilité qui sévit au Moyen-Orient se propage aux pays du Sud de l’Europe — une évolution qui appelle à une réaction mieux coordonnée en Europe afin de soutenir davantage les pays d’accueil et, surtout, de faire preuve de plus de solidarité entre les peuples.
Alors que la recherche d’un accord entre l’UE et la Turquie pour remédier à la crise des réfugiés suscite des tensions, il importe de replacer cette situation et ses répercussions sur l’Europe dans un contexte régional plus large : pour l’instant, ce sont les pays du Moyen-Orient qui supportent l’essentiel du fardeau, l’Union européenne n’accueillant que 8 % des réfugiés syriens. La crise des réfugiés syriens ne touche pas directement l’Union européenne (UE), puisque 86 % d’entre eux continuent d’être directement accueillis par les pays du Machrek et par la Turquie. Les médias européens ont trop souvent tendance à passer cette statistique sous silence, ces jours-ci. Les pays les plus affectés sont ceux qui partagent des frontières avec la Syrie : selon le HCR, la Turquie est le premier pays d’accueil, avec 2,7 millions de réfugiés (un nombre record pour un pays), devant le Liban, avec 1 172 388 réfugiés (qui détient, quant à lui la palme de la concentration par habitant), et la Jordanie (640 000). Rappelons aussi qu’en maintenant leurs frontières ouvertes depuis cinq ans, ces pays ont offert au monde et à l’Europe un bien public inestimable. En cinq ans, ils ont accumulé une expérience impressionnante et tiré de précieux enseignements pour conforter leur propre résilience. D’où l’intérêt, pour les partenaires européens désireux d’apprendre, d’engager un dialogue Sud-Nord.
La crise des réfugiés a pris en quelque sorte par surprise une Europe en pleine incertitude économique : cette crise est la deuxième du monde (depuis les années 1990) par le nombre de personnes déplacées mais la première de toutes du fait de ce flux soutenu et ininterrompu en un laps de temps aussi court. C’est cette spécificité qui déstabilise l’UE et a fait naître des dissensions politiques autour d’éventuels quotas. Avant le sommet de l’UE du 17 et 18 mars dernier, Angela Merkel déclarait : « L’Europe ne s’est pas couverte de gloire… et les pays membres ne partagent pas équitablement le fardeau. » Jamais l’espace Schengen n’a autant vacillé qu’aujourd’hui. Les flux migratoires actuels et attendus font apparaître une autre dimension : nous avons atteint un point de non-retour. Au-delà du déni actuel, nous allons devoir anticiper pour préparer avec toute l’énergie requise des politiques d’intégration à moyen terme adaptées, à appliquer à l’échelle locale, nationale et européenne.
Soyons réalistes : la fragilité des pays MENA a un impact évident en Europe et au-delà. Le conflit en Syrie est le premier facteur d’instabilité, puisque plus de 4,6 millions de Syriens ont fui leur pays et qu’environ 7,6 millions d’autres ont été déplacés à l’intérieur des frontières. La région MENA reste largement exposée à la fragilité et au conflit : d’après la dernière édition du Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA de la Banque mondiale, un tiers environ des habitants de la région sont directement affectés par la guerre. Ce chiffre inclut les Iraquiens, les Libyens, les Syriens et les Yéménites, qui ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence (environ 13,5 millions de personnes en Syrie, contre 21,1 millions au Yémen, 2,4 millions en Libye et 8,2 millions en Iraq). Sans oublier les personnes déplacées, qui sont plus de 18 millions dans la région, et qui vont devoir trouver un logement temporaire dans un pays voisin plus sûr ou ailleurs dans le monde. À cela s’ajoutent, bien entendu, les attentats terroristes qui alourdissent la menace sécuritaire dans le monde et les effets négatifs de la fragilité dans la région MENA.
La crise dans la région MENA crée de réels problèmes humanitaires pour les autochtones comme pour les ressortissants étrangers, qui sont particulièrement vulnérables : ainsi que l’a rappelé la consultation organisée à Malte par le Centre international pour le développement des politiques migratoires sur le thème « Les migrants dans les pays en crise », les migrants étrangers sont particulièrement exposés —et souvent ignorés — lorsqu’une crise éclate dans leur pays d’accueil, qu’il s’agisse de travailleurs invités, de migrants illégaux ou de touristes. Les plus exposés seront les femmes et les enfants. Citons le cas du Liban en 2006, avec ses 550 000 ressortissants étrangers (sans compter les réfugiés palestiniens) ; la crise libyenne de 2011 qui a touché 1,5 million d’étrangers ; le conflit syrien, où l’on estime à 100 000 le nombre de travailleurs migrants et d’Iraquiens, en plus de 560 000 réfugiés palestiniens ; ou encore le Yémen et ses 91 000 migrants et 246 000 réfugiés bloqués par la guerre civile de 2015. Lorsqu’une crise survient, les ressortissants étrangers pris au piège doivent être protégés et immédiatement rapatriés pour garantir leur sécurité. Pour les réfugiés dans les pays en crise, la situation est encore pire, comme l’a souligné le HCR : coincés dans ce pays d’accueil, ils ne peuvent pas rentrer chez eux à cause des persécutions dont ils sont victimes. Le droit international exige leur protection, mais ils n’ont nulle part où aller.
Les deux rives de la Méditerranée sont déstabilisées par la fragilité qui règne dans la région MENA : l’ampleur inédite de cette crise des réfugiés, des deux côtés de la Méditerranée, exige une aide ciblée et davantage de solidarité pour permettre l’adaptation et préparer des réponses régionales tout en renforçant la résilience pour l’avenir. Il faut certes apprendre à mieux se préparer, mais il faut surtout accroître les capacités de réaction des gouvernements et des municipalités, en Europe comme dans la région MENA, si l’on veut atténuer les conséquences de ces crises, aujourd’hui et demain. La situation actuelle prouve si besoin était que les conflits ne s’arrêtent pas aux frontières, ouvertes ou fermées. Tout le monde est touché, les citoyens comme les ressortissants étrangers rattrapés par le conflit, de même que les pays voisins et les municipalités qui doivent accueillir les réfugiés. Les conséquences désastreuses de la crise en Syrie sur l’Europe avaient commencé à se faire sentir bien avant l’afflux massif de réfugiés. Aujourd’hui, le Moyen-Orient et l’Europe partagent le même fardeau et doivent donc assumer ensemble leurs responsabilités, dans les pays riverains de la Méditerranée comme au sein de l’Europe.