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Réfugiés au Liban : un défi, une opportunité?

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Jun 22, 2016 / 0 Comments
   
Collective water tank, informal refugee camp, Bekaa, Lebanon

A l’heure où l’Europe cherche  à restreindre  l’accès   de   son  territoire aux  réfugiés,  un  soutien  renforcé aux  pays  limitrophes de  la  Syrie  paraît indispensable.   Ce  soutien  doit  répondre aux besoins vitaux des personnes fuyant le conflit tout en favorisant la cohésion  entre population hôte et population réfugiée.

 

Avec 1,8   million[1] de  réfugiés  provenant de  Syrie, le Liban est aujourd’hui le pays comptant la plus grande  part  de  réfugiés au sein de  sa population (30%). L'afflux massif des réfugiés entraîne une  pression  sans  précédent sur les services publics tels que  la  santé et l’éducation, l’électricité, l’accès à l’eau et le traitement des  déchets. Bien que le pays ait maintenu ses frontières ouvertes,  la durée  du conflit met à mal la résilience de la société libanaise  et la capacité  de l’Etat à apporter une réponse adaptée.

 

Un contexte institutionnel peu favorable rendant l’identification des besoins complexe

 

Répondre  à la  situation est  d'autant  plus complexe que l'habitat des réfugiés est extrêmement disparate.  Il se répartit en trois grandes  catégories : les camps  informels, les abris collectifs et individuels, les appartements.

 

On estime à 20 % le nombre de réfugiés vivant dans des camps informels, principalement répartis dans les gouvernorats de la Bekaa  et du Nord  Liban, sur des  terres agricoles  privées.  Avant la crise, de  nombreux travailleurs agricoles syriens résidaient déjà  au Liban, logés dans des abris et des tentes  sur les parcelles  agricoles. Avec le début du conflit, ils ont été rejoints par leur famille et des  membres de  leur communauté villageoise.

 

L’ONG Solidarités International développe des  projets  visant à assurer  un  accès   à l’eau potable,  à l’assainissement et à l’hygiène  pour ces  populations.  Elle construit et réhabilite des  latrines, des  douches  et des    systèmes   d’approvisionnement en eau.  L’absence de  reconnaissance de  ces camps  par  l’Etat libanais  contraint l’ONG à mettre en  place  des  installations provisoires.  Bien souvent, la  distribution d’eau est assurée à partir de réservoirs alimentés par  des  camions  citernes.  Outre  le  coût d’un  tel  approvisionnement,   la  question du contrôle de la qualité de l’eau se pose.

 

Ces contraintes impactent aussi la construction et le fonctionnement des latrines. Temporaires, ces dernières ne peuvent être reliées à des  fosses septiques,  et doivent être vidangées  une fois par  semaine.

 

Du fait du caractère  informel des  camps, les ONG interagissent peu avec  les institutions libanaises.  Ainsi, l'installation d'infrastructures dépend  généralement de l’accord du propriétaire du terrain qui peut être obtenu moyennant l’installation d’un forage qui pourra, après le départ des réfugiés, servir à des fins agricoles. 

 

Les abris individuels et collectifs (logements inachevés,  anciens magasins, garages,  caves,    containers, anciennes usines, etc.) constituent le  second   ensemble  dans   lequel  vivent les réfugiés. Ces  habitats  disparates  présentent un nouveau défi pour les ONG qui consacrent une partie de leurs efforts à les identifier. L’ONG  Care a mis en place des   programmes   d’amélioration   de   la qualité de l’habitat comportant un volet sur l’eau et l’assainissement. En accord  avec les  propriétaires,  les  logements  identifiés sont reliés à des points d’eau potable,  des douches  et des  latrines sont construites ou réhabilitées. 

 

Avec l’inscription de la crise syrienne dans la durée la situation des réfugiés de détériore. De nombreuses études  attestent d’une paupérisation croissante des réfugiés. Alors qu’ils sont 80  % à payer un loyer, seul un faible nombre de réfugiés parvient à trouver un emploi. Dès lors, les économies  sur  lesquelles  ils étaient  parvenus à vivre, jusqu’à présent,  diminuent.

 

Une transition d’une aide d’urgence vers une aide au développement

 

Cinq ans après  le début du conflit syrien, aucune  sortie de  crise  à court  terme ne semble se dégager. Les ONG passent donc progressivement d’une  aide  d’urgence  à une  aide au  développement portant sur le renforcement des  capacités des acteurs et sur l'accroissement et la réhabilitation des infrastructures en eau.

 

Dans cette optique, l’ONG italienne GVC a initié un programme de renforcement des capacités de l’Etablissement Régional des Eaux (ERE) de la Bekaa. Créés en 2000, les ERE sont en charge de la gestion de  l’eau, de  l’assainissement et de l’irrigation. Ces établissements souffrent d’un important déficit de légitimité se traduisant par de nombreux branchements illégaux ainsi que par un faible taux de recouvrement des factures (30% pour l’ERE de la Bekaa). Parallèlement à des travaux d’extension et de rénovation des infrastructures, des campagnes de sensibilisation ont été menées par l’ONG auprès des usagers afin de briser ce cercle vicieux.

 

La transition  d’une aide d’urgence vers une aide  au  développement  conduit les ONG à tisser de nouveaux partenariats  avec  les institutions libanaises.  Nous  l’avons vu, la réponse  aux  besoins  des  réfugiés  passe par une amélioration des infrastructures nationales.  A cet  égard,   bien  que  soulevant des défis importants, la crise syrienne peut également être perçue comme une opportunité pour améliorer un secteur qui connaissait  avant  la crise de  grandes  difficultés.

 

[1] Source : UNHCR, décembre 2015

Claire Papin-Stammose

Diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes, Claire Papin-Stammose, a suivi une formation pluridisciplinaire orientée vers les problématiques relatives aux services publics avant de se spécialiser en gestion de l’eau (Agro Paris Tech) et en politiques économiques et développement agricole (Institut d’Étude du Développement Économique et Social au sein de l'Université Panthéon Sorbonne). Sa participation au projet de Recherche GroundWater-ARENA (http://www.groundwater-arena.net/) au Maroc lui a permis de développer une expertise sur les questions de gestion des eaux souterraines en milieu agricole. Représentante du Programme Solidarité Eau au Liban (http://www.pseau.org/)   elle y mène des activités de Recherche et Développement et d’Appui-Conseil sur les questions d’accès à l’eau et à l’assainissement.

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