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Jonathan Walters* et Silvia Pariente-David**
Voici un dialogue fictif entre un certain M. Protection et une certaine Mme Solaire, pour mieux comprendre pourquoi l’Europe n’importe pas d’électricité solaire en provenance des régions les plus ensoleillées, mais toute sa consommation d’ananas!
Mme Solaire : « Je ne comprends pas. L’Afrique du Nord bénéficie de 30 % d’ensoleillement en plus que l’Europe du Sud — et je ne parle même pas de l’Europe du Nord — mais l’Europe continue à produire la totalité de l’énergie solaire qu’elle consomme, sans rien importer. »
M. Protection : « C’est assez logique : l’Europe ne veut pas être dépendante pour ses approvisionnements énergétiques, pour ne pas fragiliser sa situation. »
Mme Solaire : « D’accord, mais l’Europe importe des tonnes d’énergie : de Russie, des pays du Golfe…, sans oublier le gaz naturel d’Afrique du Nord. »
M. Protection : « Vous avez raison, mais l’énergie solaire coûte cher alors pourquoi l’Europe voudrait-elle en importer ? »
Mme Solaire : « Je vois de multiples raisons à cela, désolée. Déjà, le prix de l’électricité solaire sous toutes ses formes, photovoltaïque et thermique à concentration, baisse à vue d’œil. Dans certains pays, le solaire est déjà la solution la moins chère pour produite 1 kWh d’électricité. Ensuite, l’Europe s’est convertie, à juste titre, à l’énergie solaire pour diminuer le réchauffement climatique et les autres impacts écologiques liés aux énergies fossiles et au nucléaire. Pourquoi ne pas s’approvisionner au meilleur prix ? »
M. Protection : « Mais l’Europe ne subventionne-t-elle pas toujours massivement l’énergie solaire ? »
Mme Solaire : « C’était vrai par le passé et cela perdure dans certaines régions. Mais la vraie question, c’est que si l’on subventionne l’énergie solaire, autant optimiser le volume obtenu pour chaque euro de subvention. Et donc autant en importer d’Afrique du Nord… puisque le soleil y brille plus généreusement qu’ailleurs ! Si en revanche l’Europe ne subventionne que sa propre production, les importations en provenance des régions ensoleillées ne peuvent pas lui faire concurrence. C’est exactement ce qui se passe actuellement. »
M. Protection : « Mais le transport de cette énergie solaire depuis l’Afrique du Nord aurait un coût, non ? Sans parler des délais pour mettre en place les infrastructures. Ne faudrait-il pas construire quantité de nouvelles lignes de transport en Europe ? »
Mme Solaire : « Le surcoût n’est que de un à deux centimes, largement compensé par le fait que le coût de production de l’énergie solaire est plus bas en Afrique du Nord. Quant aux lignes de transport entre les deux rives de la Méditerranée, elles existent déjà, donc les échanges d’électricité entre rives nord et sud pourraient se faire dès maintenant. Et si la demande est au rendez-vous, la construction de nouvelles lignes pourrait se faire rapidement. Si les importations en Europe augmentent considérablement (ce qui prendra de nombreuses années), l’Europe devra effectivement renforcer son réseau mais, de toute façon, ce renforcement sera nécessaire pour faire face à la demande croissante et aux changements structurels de la production, avec une pénétration accrue des énergies intermittentes. Et dans tous les cas, le coût du transport n’est pas un facteur déterminant. »
M. Protection : « Mais si nous achetons de l’énergie solaire en Afrique du Nord, n’allons-nous pas tuer les emplois en Europe ? »
Mme Solaire : « En effet, les emplois liés à l’énergie solaire devront sans doute être mieux répartis entre l’Europe et l’Afrique du Nord du fait de ces importations, car les chaînes logistiques vont se développer de part et d’autre. Mais c’est une bonne chose, non, si nous voulons assurer une meilleure intégration Méditerranéenne et la création d’emplois pour les nombreux jeunes chômeurs d’Afrique du Nord. Après tout, la ‘sécurité énergétique’, c’est peut-être cela. »
M. Protection : « Mais pouvons-nous priver l’Afrique du Nord de toute cette énergie ? Les populations locales n’en ont-elles pas besoin ? »
Mme Solaire : « Qui a dit que les habitants des tropiques devaient manger tous les ananas qu’ils produisent et se priver des recettes tirées de leurs exportations vers l’Europe ? Les Ghanéens sont-ils condamnés à consommer tout leur chocolat ? En quoi l’énergie serait-elle différente ? Quoi qu’il en soit, si l’Afrique du Nord tire un bénéfice de l’exportation de l’énergie solaire, elle pourra le réinvestir ailleurs, notamment pour améliorer l’approvisionnement énergétique. On ne vole rien à l’Afrique du Nord : le soleil continuera de briller largement ! »
M. Protection : « Très bien. Alors dites-moi pourquoi ces importations se font toujours attendre. »
Mme Solaire : « Il faut poser la question aux Européens, M. Protection ! Mais imaginez un peu tous les avantages si l’Europe ouvrait ses marchés à l’énergie solaire nord-africaine — surtout à la veille de la COP21 et des négociations internationales sur le changement climatique, qui se dérouleront sur le sol européen… Et puis quel meilleur motif de satisfaction pour la COP22, l’an prochain, à Marrakech ! ‘Let the sunshine in!’ »