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Je fais un rêve : lutte contre le changement climatique et développement économique ne sont pas incompatibles

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Jul 31, 2015 / 0 Comments
   
Photo: MEDCOP21

L’opinion commune veut que le changement climatique exacerbe la pauvreté et nuise à la croissance économique. Le développement économique a contribué à une augmentation insoutenable des émissions de gaz à effet de serre qui déstabilisent le système climatique mondial. Et beaucoup conviennent aujourd’hui que le changement climatique entrave le développement et la capacité d’éradiquer la pauvreté. Par ailleurs, les politiques climatiques sont jugées trop onéreuses pour les pays en développement.

 

« Le changement climatique est une menace immédiate pour la réduction de la pauvreté. Il est important que convergent ceux qui luttent contre le changement climatique et la pauvreté pour mettre en œuvre des interventions qui soient performantes pour atteindre ces deux objectifs », indique Marianne Fay, économiste en chef pour le changement climatique de la Banque mondiale.

 

Je fais le rêve de politiques fortes et concertées pour juguler le changement climatique et stimuler une croissance économique qui profite à tous, notamment aux plus pauvres.

 

Lors du forum MEDCOP21, j’ai eu la révélation que changement climatique et développement économique ne sont pas nécessairement antinomiques, que des politiques économiques, fiscales, commerciales, énergétiques et sectorielles bien alignées peuvent favoriser une croissance plus verte, plus résiliente et inclusive. Et l’espace méditerranéen est le laboratoire d’essai idéal pour l’application d’une approche cohérente et coordonnée pour traiter les enjeux du changement climatique et ceux du développement. Lors des deux journées du forum, j’ai découvert des exemples de projets concrets en cours de réalisation qui contribuent à la réduction des émissions de CO2 et à l’amélioration des conditions de vie.

 

La région méditerranéenne est particulièrement vulnérable au changement climatique, exposée aux risques de raréfaction des ressources en eau, de phénomènes naturels extrêmes et de désertification intense. Parallèlement, en raison de sa position géographique, de ses larges ressources en énergies renouvelables et de marchés voisins demandeurs d’une énergie décarbonée, l’espace méditerranéen dispose d’un grand potentiel de développement de solutions à faible émission de carbone. C’est le territoire idéal pour tester la notion de « double dividende ».

 

Comme nous l’avions vu ailleurs, l’intégration des marchés régionaux facilite et diminue le coût du développement à grande échelle des énergies renouvelables. Un marché de l’énergie intégré entre l’Europe et la Méditerranée favorisera une répartition plus efficace des ressources énergétiques dans ces deux régions et entre ces territoires. Plusieurs intervenants de la table ronde consacrée au financement ont indiqué que l’ouverture des marchés européens à l’électricité verte en provenance du sud aurait un effet multiplicateur, accélèrerait le déploiement de technologies décarbonées et entraînerait l’afflux de capitaux (voir également le blog de Melissa Bell, modératrice de la table ronde). Les politiques commerciales ont également un rôle clé à jouer dans la création de marchés : elles peuvent promouvoir une concurrence équitable, tirer parti des économies d’échelle et faciliter le transfert de compétences.

 

Je fais le rêve que les politiques d’atténuation des effets du changement climatique (outre leur volonté d’œuvrer contre le réchauffement de la planète) contribuent au développement industriel et à la création d’emplois.

 

Lors de l’atelier consacré à l’énergie, nous avons assisté à une présentation d’un exemple concret de programme intégré énergie/industrie—il s’agit du Plan Solaire Marocain, mis en place dans un pays qui a suscité beaucoup l’attention et dont les efforts ont été salués lors des deux journées MEDCOP21 (le dernier indice de performance du changement climatique par Germanwatch montre que le Maroc figure au premier rang des pays en voie de développement évalués). Le développement des ressources solaires au Maroc améliore sa sécurité énergétique et atténue les effets du changement climatique, tout en stimulant le développement de nouvelles industries, porteuses d’emplois. Les diverses activités connexes, à l’origine de clusters locaux, stimulent l’innovation et les capacités nationales en recherche et développement. Par ailleurs, là où elles sont implantées, les centrales solaires améliorent les conditions sociales et économiques de la population. Fin juillet, l’Agence marocaine de l’énergie solaire (MASEN), chargée de la mise en œuvre du Plan Solaire Marocain et de projets corollaires, a annoncé l’établissement d’un partenariat avec un géant du secteur, ce qui fera d’elle un acteur majeur de la technologie solaire thermodynamique à concentration (CSP) sur le continent africain.

 

Je fais le rêve que les politiques de lutte contre le changement climatique peuvent améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables.

 

Lors de l’atelier consacré à l’énergie, nous avons également découvert une initiative, menée à l’instigation de l’Agence française de développement, pour la modernisation des logements sociaux en Afrique du Nord, afin d’en améliorer l’efficacité énergétique. Si l’objectif principal est de faire baisser l’intensité énergétique des logements sociaux, le projet favorisera également le transfert d’un savoir-faire, la création de nouvelles entreprises locales de BTP et un développement des compétences (trois aspects vecteurs de nouveaux emplois). Selon un récent rapport du centre d’étude INSIGHT_E de la Commission européenne, l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le secteur du logement, fondée sur la rénovation des bâtiments, est un aspect stratégique indispensable pour contrecarrer la pauvreté énergétique.

 

Je fais le rêve que le déploiement de la technologie soit suffisamment rapide pour que nos enfants soient témoins de la transition du monde méditerranéen vers une économie décarbonée.

 

Pour réussir ce passage, il faut que la technologie soit disponible et bon marché. Lors du forum MEDCOP21, il n’était question que d’innovations, que ce soit dans le village des solutions, où de nombreux inventeurs présentaient leurs nouvelles idées, ou dans les discussions. En témoignait l’emblématique bateau solaire Planetsolar. Avec la baisse rapide du coût des énergies renouvelables et la résolution proche des problèmes techniques de leur intégration au système électrique, la production d’une électricité à 100% renouvelable est  maintenant réalisable dans beaucoup de pays. Le principal défi à venir est celui du transport, responsable d’une part croissante des émissions de CO2 dans le monde. Si Planetsolar est impressionnant, Solar Impulse l’est tout autant : un mois, jour pour jour, après MEDCOP21, cet avion solaire a établi un nouveau record en traversant le Pacifique. Il y a trois ans précisément, j’avais assisté à son premier vol au-dessus des eaux, entre la Suisse et le Maroc (voir ce blog). Les progrès réalisés depuis cette date sont remarquables. J’essaierai d’être présente pour accueillir Solar Impulse après sa traversée de l’Océan Atlantique, prochain défi qu’il s’est choisi. Voilà qui montre toute la puissance de simples cellules solaires, pour peu que l’on croie à cette énergie !

 

Je fais le rêve que tous les pays méditerranéens s’uniront pour triompher du changement climatique et faire le choix d’un modèle de croissance durable.

 

Pour que cette ambition se concrétise, les États, le secteur privé et la société civile du pourtour méditerranéen doivent dialoguer et coopérer plus étroitement. La recherche d’une énergie décarbonée, abordable et pérenne ne peut se limiter à un simple rôle d’approvisionnement. Elle doit également conduire à la création d’un secteur d’importance stratégique, qui stimule la croissance économique, attire et fidélise les meilleurs talents, et offre des débouchés compétitifs à long terme pour l’énergie et les technologies de production.

 

 

Tout est question d’intégration : que ce soit celle des marchés régionaux et ou celle des enjeux climatiques au sein des politiques économiques, fiscales, commerciales et sectorielles.

 

En œuvrant ensemble, les pays méditerranéens pourront s’atteler aux défis climatiques, sociaux et économiques plus rapidement, plus efficacement et à moindre coût. La coopération est un préalable à toute réussite !

Silvia Pariente-David

Silvia Pariente-David a été la première chef d’équipe du projet de centrale solaire Noor-Ouarzazate au Maroc. Retraitée depuis, elle continue d’intervenir, en tant que consultante, sur des projets de centrales solaires dans ce pays. Elle a également participé à plusieurs projets d’interconnexion visant à constituer un marché euro-méditerranéen de l’énergie.

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